Un besoin, une envie.
Un livre sur l’obésité, un de plus ? Une question de mode ? Une question de société ?
Non ce n’est pas une mode, écrire un livre sur ce thème m’est apparu nécessaire. Aujourd’hui, qui ne parle pas d’obésité, de surpoids ? Tout semble bon pour proposer une solution très superficielle à un problème dont les causes et les mécanismes restent méconnus. Malgré tout on propose, on affirme, on sait et on conseille. Si en même temps les universitaires et les unités de recherche essaient de comprendre et avouent très souvent leurs échecs et leurs difficultés sur ces connaissances, le pourquoi et le comment de l’obésité, ces doutes et ces incertitudes n’empêchent pas certains illuminés de proposer la solution miracle, solution qui satisfera les attentes souvent démesurées et irrationnelles de ces patients en obésité ou en surpoids, prêts à croire tout ce qu’on leur propose ou expose, dans la mesure où ces solutions vont dans le sens de leurs désirs et de leurs objectifs.
Tout cela manque de sérieux, mais c’est sans importance. Pour beaucoup de patients, un médecin qui n’est pas obèse peut–il comprendre la problématique de l’obésité et la souffrance des obèses ? Non, bien sûr ! Pour comprendre l’obèse, il faut être ou avoir été obèse. Pauvre corps médical qui doit être obèse pour comprendre l’obèse et l’obésité, avoir un cancer pour comprendre la vie et le désarroi d’un cancéreux, souffrir un maximum pour savoir soulager la douleur.
Une génération spontanée de soignants convaincus de leurs compétences garantit le succès de toutes ces propositions auprès d’un public a priori acquis à leur cause, le plus souvent baigné dans l’irrationnel et la subjectivité. « Ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas de bagage universitaire ou de connaissances scientifiques qu’ils ne savent pas ». Cette réflexion banale maintes fois répétée sert de justificatif aux yeux des patients plus que désorientés, de remparts contre la science pour tous ces parvenus mercantiles avides de profit ; tel chanteur ou chanteuse se retrouve propulsé au premier rang de thérapeute, tel voyageur de commerce a enfin trouvé le régime idéal, tel médecin généraliste perdu dans son coin de banlieue découvre enfin la fortune avec « ses pilules miracles pour faire maigrir ». Personne ne s’étonne de cette science soudaine, de cette génération spontanée de « sachants » prêts à tous les argumentaires fallacieux pour se propulser sauveurs de l’obèse.
L’obésité et le surpoids demeurent un sujet qui occupe tout l’espace de discussion, tout l’espace de réflexion personnelle pour beaucoup. L’obésité reste la préoccupation majeure de notre société au point même que tous kilos superflus se retrouvent assimilés à l’obésité. « Ça dépend de ce que vous appelez obèse », me disent les patients. Définition objective, définition subjective, définition personnelle, kilos en trop sur le corps, kilos en plus dans la tête… cet amalgame demande un éclaircissement, une simplification et une codification.
L’obésité peut être vécue de manière très différente et parfois insoupçonnée : 1 kg de trop qui gênerait l’exposition sur la plage en juillet par 40 degrés à l’ombre en créant un complexe induit par les magazines peoples, 120 kg qui confinent le patient dans un fauteuil roulant du fait de l’arthrose et de l’insuffisance cardiaque qu’ils entraînent, 80 kg de surpoids qui obligent le patient à utiliser un chien d’aveugle après la cécité occasionnée par le diabète, voilà une uniformisation intolérable, nuisible et irrationnelle. On confond obésité et kilos en trop ou vécus comme tel.
Remettre chaque chose à sa place contribue à respecter la souffrance de chacun. Il me paraît indécent de comparer la douleur d’un patient cancéreux en phase terminale avec une rage de dents, bien que très souvent à propos de ces douleurs dentaires on entende : « la douleur est insupportable ». Il en est de même pour les patients obèses ; comparer les quelques kilos superflus de la « minette » qui croit que sa vie s’écroulera quand viendra l’été avec la plage si elle ne peut pas maigrir d’ici là, avec l’enfer quotidien vécu par l’obèse de 200 kg me semble tout simplement irréel, voire malsain. Définir de manière précise le surpoids, l’obésité et ses différents stades m’apparaît une évidence qui simplifiera le langage en respectant le statut de chacun.
Écrire un livre sur l’obésité c’est essayer de porter à la connaissance des personnes obèses les efforts que les autres peuvent faire dans le seul but de leur apporter un peu de bien-être. Un patient obèse pense souvent que la disgrâce est définitive, qu’il est incompris de tous et rejeté par tous, mais surtout, il pense que rien n’est fait pour l’aider. Écrire un livre, c’est donc répondre ou du moins essayer de répondre à ces questions simples et peut– être proposer des voies de réflexion qui éviteront à certains de vouloir refaire le monde en proposant des idées qu’ils imaginent nouvelles alors qu’elles sont déjà en marche ou ont déjà été abandonnées.
Définition
L’obésité notion subjective ? L’obésité définition médicale claire ? Pas toujours. La définition même d’un “gros”, d’un obèse reste tout à fait théorique, toutes les graisses ne sont pas les mêmes. Cette définition obéit à des conventions qui ne sont pas universelles…
La dictature de la maigreur, l’univers schizophrénique de l’obèse, univers obèsogène (1) mais également obèsophobe (2)
L’obésité, très longtemps considérée comme un signe extérieur de réussite sociale commence à être malmenée par la dictature de la minceur et même de la maigreur. Progressivement, elle devient un marqueur social négatif. La minceur, voire la maigreur, élevée au rang de critère de beauté, summum de l’aspect physique idéal, est prônée par les mannequins de haute couture, où plus justement, imposée à ces « pauvres filles » par les couturiers ; un corps d’adolescente sans formes offre un éventail de possibilités pour la valorisation des vêtements incontestablement plus large et ouvre le champ à toute création. Cette minceur, même maigreur médicale, ne peut pas être naturelle une fois la personne sortie de l’adolescence, elle oblige à l’utilisation d’artifices dangereux comme les coupe-faim, l’alcool, le tabac et la drogue.