L’obésité jadis preuve de réussite sociale, standard d’un certain mode de vie, est devenue un des premiers fléaux mondiaux qui mobilise toutes les réflexions des gens bien intentionnés, mais aussi des affairistes.
Le souci de l’autre, l’altruisme revendiqué n’est souvent que le fruit d’une réflexion, d’un business plan sous-tendu par le potentiel économique et financier évident d’un tel fléau. Plus de 15 % de la population, auxquels s’ajoutent les personnes obèses imaginaires, n’est-ce pas une manne sans fin lorsque l’on sait que le taux de personnes obèses ne fait qu’augmenter.
Dans une première approche, « L’obésité, le grand mensonge », j’ai tenté d’expliquer et de définir l’obésité et ses causes, la personne obèse, les conséquences de l’obésité sur la vie ainsi que les possibilités thérapeutiques. Je voudrais maintenant me pencher sur ce phénomène démesuré, cette voie thérapeutique plébiscitée, cette mode que devient le traitement chirurgical de l’obésité. Quand je dis « mode », je suis très en dessous de la réalité. Pour beaucoup, la chirurgie est devenue la seule, l’unique solution efficace sans laquelle point de salut pour une personne obèse.
N’en faisons-nous pas trop, pas assez ? Sommes-nous dans un cul-de-sac ? Sommes-nous dans l’erreur ?
Au regard d’une pratique chirurgicale de prise en charge des obèses de plus de 25 ans, en comparaison avec la chirurgie des autres pathologies (près de 50 ans de pratique), je me pose des questions légitimes que j’aimerais partager avec vous, patients obèses, mais aussi avec toutes les autres personnes, obèses ou non, patientes ou non.
Après 1995, cet espoir démesuré des patients envers la chirurgie dont je vous parle découle de quatre raisons : le chirurgien, la chirurgie par caméra, l’anneau de gastroplastie (« l’anneau à l’estomac ») et surtout la médiatisation.
Le chirurgien : un véritable mythe s’est installé autour de cette spécialité médicale. Quelle image pour un chirurgien ? Comment est-il perçu, comment était-il perçu par les patients et la population en général ?
Il y avait les médecins, généralistes et spécialistes, respectés par principe, détenteurs du savoir et de la science médicale, en qui la confiance restait sans faille. Le patient ne posait pas de question, si le médecin disait, de fait il avait raison. Lorsque les médecins doutaient parce que c’était difficile, parce qu’il pouvait être nécessaire d’opérer, ils appelaient le chirurgien. Celui-ci s’érigeait en dernier recours aux yeux du patient. Progressivement le chirurgien est devenu, toujours pour la majorité des patients, la référence. On ne savait pas, on demandait au chirurgien. La place même du chirurgien devient très particulière dans l’esprit populaire, sa parole et ses actes non discutés.
N’avez-vous jamais remarqué, en société, un groupe de personnes se réunit pour la première fois, chacun essaie de savoir qui est l’autre, son métier… Chacun commence à décliner son activité et de nombreuses professions sont citées. Chacune d’entre elles provoque étonnement, envie parce que très lucratives, à un moment où l’argent est mal vu, mais ou en même temps le désir réel est d’en gagner le maximum, sans jamais l’avouer. Lorsque vous annoncez votre profession, « chirurgien », vous voyez dans les yeux de la majorité, une certaine admiration, un respect non dissimulé. Ce n’est plus l’attrait d’une bonne rémunération le principal critère, mais autre chose : une représentation idéale de cette profession qui alimente l’imaginaire populaire depuis bien longtemps. On n’est plus sur le même registre. De nos jours, même si la judiciarisation, la contestation et l’impression d’une connaissance des « choses » médicales favorisée par Internet et les médias ont entaché, à juste titre, cette image, elle demeure toujours présente.
Un chirurgien, c’est un médecin qui « ouvre le ventre du patient », qui peut guérir, mais aussi faire mourir, malheureusement. Ce pouvoir « de vie ou de mort », bien involontaire de la part du chirurgien, fascine. Bien sûr, un traitement médical aussi peut tuer, mais c’est moins évident pour tout le monde, d’où cette aura du chirurgien. Je suis dans l’erreur ?
Imaginons un miroir qui vous reflète votre image déformée par le prisme de l’obésité. Imaginez-vous, vous réveillez un matin après une nuit de sommeil avec votre poids en surpoids. Pire, cette nuit infernale aura par la même occasion graver votre mémoire d’un passé d’obèse.
Au réveil je me retrouve dans la peau d’un homme de 35 ans obèses depuis toujours. Ce cauchemar commence avec la sonnerie du réveil.
« Je suis obèse depuis ma naissance ».
Imaginons un miroir qui reflète votre image déformée par le prisme de l’obésité. Imaginez, vous vous réveillez un matin après une nuit de sommeil en surpoids. Pire, cette nuit infernale aura par la même occasion gravé votre mémoire d’un passé d’obèse.
Au réveil, je me retrouve dans la peau d’un homme de 35 ans, obèse depuis toujours. Ce cauchemar commence avec la sonnerie du réveil. « Je suis obèse depuis ma naissance ».
La sonnerie du réveil me sort de ma torpeur, torpeur parce que mon sommeil depuis maintenant plus de dix ans est induit par toutes sortes de médicaments : médicaments pour ne pas penser à ma condition d’obèse, médicaments pour trouver un semblant de sommeil, médicaments pour supprimer mes rêves qui le plus souvent ne sont que tourments et cauchemars… Un sommeil ? Non, un pseudo coma thérapeutique temporaire.