La fille de Bacongo

La fille de Bacongo

Une vie en filigrane, à la recherche du passé.

Ralph remonte le fil d’Ariane qui lui permettra peut-être d’appréhender le sens de sa propre existence. L’imaginaire favorise l’accès aux souvenirs. Les marches de sa vie se succèdent.
Afrique mystérieuse, alcôves parisiennes feutrées où se décident des avenirs, où se brisent des carrières et se dessinent des stratégies pour le futur, chaque impact laisse son empreinte et apporte une pierre à l’édifice de cette vie. Quelles en seront les conséquences ?
La recherche du pourquoi, du comment, propose un voyage dans le passé, une revisite de situations impensables… Ralph arrivera-t-il à se définir pour le présent ?
Qui est cette fille de Bacongo ?

Ralph stoppe le moteur et se laisse doucement dériver.

Aujourd’hui, un silence complet, finement ciselé par le clapot de l’eau qui vient mourir sur la ligne de flottaison, l’invite à la réflexion, il est seul à bord. Il aime ces instants privilégiés, sans aucune sollicitation, hormis celle de sa propre pensée. Son âge lui conseille de passer à autre chose, d’abandonner enfin le monde chirurgical, d’éviter l’intervention de trop, celle qui pourrait faire basculer la quiétude et la sagesse acquise dans le cauchemar insupportable d’un gâchis non mérité.

Il se plait à rêver, assis devant la petite table centrale du bateau, un café à la main. Ralph repasse le film de sa vie, en pensant à cette réflexion de Guy, son ami réanimateur…

Sur cette plage arrière du Crownline, les banquettes latérales, en simili-cuir – bateau blanc complétées par la banquette arrière délimitent un espace de vie.

Subitement, sans raison apparente, toutes les rencontres humaines importantes et les personnages de sa vie s’y animent. Le fantastique de son imaginaire ravive tous les moments décisifs de cette existence, la sienne, qui inexorablement se terminera un jour… qu’il le veuille ou non.

Un véritable dialogue s’établit… Il n’est plus seul. Ils sont tous là, avec lui, il peut leur parler, leur expliquer, les comprendre peut-être… Il y a foule sur ce bateau en apparence vide…Sa mère est décédée en 2013.

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Le Grand Théâtre de Bordeaux brille de toutes ses lumières. Les officiers de marine en spencers, les femmes en robe longue, les élèves dans leur tenue d’aspirant de marine, un seul galon doré posé sur un parement de velours grenat sur la manche, donnent un lustre tout particulier à cette soirée. Sous les ors et le cristal des salons du grand théâtre, cette manifestation, probablement désuète de nos jours, pourtant très prisée des Bordelais en janvier 1968, bat son plein, avec l’affluence annuelle.

La motivation de chacun varie entre l’obligation, le désir de paraître et le principe du « pourquoi ne pas y être ». En réalité, tous aiment être là, mais personne ne l’avoue, de peur du ridicule. Apprécier un tel évènement vous aurait fait basculer directement vers la ringardise !

Dès son arrivée, au sommet du grand escalier, Ralph remarque cette fille grande, blonde, aux yeux bleus, vêtue d’un chemisier en soie blanche, d’une jupe longue en velours noir et chaussée d’escarpins en vernis noirs à petits talons. Peut-être le rêve méconnu ou non avoué de cet adolescent qu’il était encore.

Elle jauge l’assemblée et dégage un sentiment évident d’un ennui mortel, une attitude singulière, en contraste avec la volonté de s’amuser affichée par l’assemblée. Il ne la quitte plus des yeux… À cet instant précis, il ne le sait pas encore, mais sa vie sera changée pour toujours.